Introduction
Louis XIII fit construire l’imposant hôpital de Bicêtre ap-hp pour les « soldats estropiés à l’armée ». Louis XIV le convertit en un « hospice pour les pauvres mendiants, maison de force pour les fous et prison pour les escrocs et la classe la plus honteuse des libertins ». Sous Louis XV, l’établissement servit d’asile à près de six mille déshérités ou invalides.
À la recherche de l’eau
Deux éléments de confort faisaient cruellement défaut à Bicêtre : il y manquait une arrivée d’eau et d’un moyen d’évacuer les liquides du vaste domaine. On commença par la construction d’un puits à eau monumental qui fit l’admiration de ses contemporains. Réalisé de 1733 à 1735 sur les dessins de Boffrand, grand architecte et premier ingénieur des Ponts et Chaussées de France, il servit ensuite de modèle à de nombreuses autres réalisations de ce type dans le royaume ou dans d’autres pays.
Sa profondeur est de 57 mètres et son diamètre dans l’œuvre de 5,20 mètres. Il présente une hauteur utile de 3 mètres d’eau ; ce puits est intarissable, car sa base a été creusée dans le calcaire grossier où se situe la nappe phréatique et de nombreuses sources. On a pratiqué dans la maçonnerie, à 4 mètres au-dessus du niveau de l’eau, une plate-forme de 2 mètres de largeur sur toute sa circonférence afin de permettre aux ouvriers d’œuvrer et d’entreposer les matériaux nécessaires à son entretien et aux réparations. Au centre, une imposante machinerie, révolutionnaire pour l’époque, permettait de puiser l’eau. Un manège, actionné par quatre à huit chevaux selon les besoins, remontait des seaux impressionnants d’une contenance de près de 270 litres.
Soucieuse, sans doute, d’utiliser au mieux une abondante main-d’œuvre disponible, l’administration de l’hôpital de Bicêtre ap-hp remplaça un moment les chevaux par des prisonniers ou des aliénés de Bicêtre ; il en fallait soixante-douze pour mouvoir l’énorme treuil. 140 mètres cubes d’eau étaient tirés quotidiennement pour être déversés dans un réservoir d’une contenance de 1 100 mètres cubes, construit derrière le puits.
Se débarrasser des eaux corrompues
L’évacuation des eaux usées présenta d’immenses difficultés.
À l’origine, les propriétaires riverains, les industriels opérant le long du cours d’eau, ainsi que la manufacture des Gobelins elle-même, exprimèrent de nombreuses plaintes concernant le déversement des flux pollués dans la Bièvre. Après des années de discussions, l’administration des hôpitaux décida, en 1783, d’éliminer les eaux sales dans les vastes carrières souterraines à l’abandon sous Bicêtre.
Elle fit donc l’acquisition de deux immenses carrières à quelques centaines de mètres de l’hospice qu’elle relia entre elles par un aqueduc de 2 mètres de large et de 32 mètres de longueur. Avant d’évacuer les eaux dans ces souterrains, il fallut en consolider les ciels et les parois ; à cette fin, Charles François Viel de Saint-Maux, architecte de l’hôpital général de 1784 à 1789, fit réaliser de solides maçonneries en pierre meulière. On creusa également le sol des carrières pour y aménager un puits de 2 mètres de diamètre et de 13 mètres de profondeur et disposer d’eau en quantité. Cinq puits furent percés qui permettaient le renouvellement de l’air dans les galeries.
L’égout de Bicêtre fonctionna quelques décennies sans présenter d’inconvénient majeur, mais les infiltrations d’eaux infectées dans le sol et finalement dans la nappe phréatique ne pouvaient, à la longue, que provoquer de sérieux dommages.
Ainsi, les puits de la commune limitrophe de Gentilly furent contaminés, et un rapport de 1833 confirma que « des bactéries, provenant probablement des urines, étaient présentes dans l’eau de plusieurs puits de la commune, la rendant impropre à un usage domestique ».